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Qu'est-ce qu'une opinion ?

a) Distinction entre l'opinion et le savoir

Le désir que nous avons de passer de l'opinion au savoir nous renseigne sur l'opinion.
Si nous désirons le savoir de préférence à l'opinion, c'est parce que l'opinion présente une certaine imperfection.
Cela signifie qu'il manque quelque chose à l'opinion.
Elle est comme incomplète au regard d'une certaine qualité.
Au regard de cette qualité qu'est la connaissance, le savoir présente davantage de perfection que l'opinion.

On voit ici qu'il y a un certain rapport entre le savoir et l'opinion.
On peut les comparer voire les opposer.
Toute comparaison suppose un certain point commun.

L'opinion est une connaissance imparfaite.
On peut même s'étonner de l'emploi du mot connaissance à propos de l'opinion.
Quand je donne mon opinion, je ne donne pas une connaissance.
J'expose ma façon de voir les choses.
Explicitons : donner son opinion, c'est dire comment nous percevons les choses.
Il s'agit d'une représentation dans laquelle ma subjectivité entre pour une part importante.
L'opinion ne repose pas uniquement sur des faits, des données objectives.
Elle repose aussi sur un choix personnel plus ou moins juste.
Inversement, lorsqu'il n'y a pas de place pour la subjectivité i.e. pour l'initiative personnelle,
il ne peut s'agir d'une opinion.
Exemple :
La maîtresse qui demande à l'élève combien font 2+2, n'attend pas une opinion.
En mathématique, il n'y a pas de place pour l'opinion.

L'opinion est donc une représentation qui ne peut prétendre à l'exactitude.
Elle résulte d'un choix, d'une certaine vision du monde.
Plusieurs choix sont possibles (ex.: être de droite ou de gauche).
N.B. Bien que l'on ne puisse prétendre à l'exactitude, on peut cependant être certain de son opinion.
En même temps, nous pouvons changer d'opinion. Alors que 2+2 sera toujours égal à 4.
L'opinion n'a rien de définitif alors que le savoir est en principe immuable.

La différence entre le savoir et l'opinion tient aux choses sur lesquelles toutes deux se prononcent. La première est objective, la seconde est subjective.

Pourtant, cette opposition n'est-elle pas excessive ?
Il faut essayer de préciser encore le sens de cette opposition.
Dire que l'opinion est une représentation subjective suggère un choix arbitraire.
Ex. " Des goûts et des couleurs, on ne dispute point " : c'est subjectif : c'est arbitraire.
Or, trop souvent arbitraire est confondu avec absurde.
Par arbitraire, on entend souvent " ce qui n'a pas de raison ", " ce qui est dépourvu de sens "

Evidemment nos opinions ne sont pas subjectives au sens où elles sont absurdes.
Au contraire, nos opinions nous apparaissent pleine de sens !
Ce n'est pas sans raison que nous sommes pour ou contre la peine de mort.
L'opinion résulte d'un choix, d'un jugement portant sur des faits concrets (l'euthanasie, le chômage, la construction de l'europe,...)
et c'est un choix en faveur de ce qui nous apparaît le plus sensé, le plus légitime.

C'est une analyse des faits, en fonction de valeur qui sont les miennes.
Ainsi dans l'opinion se mêle jugement sur les faits et jugement de valeur.
L'opinion est subjective car elle se prononce en fonction de valeurs personnelles sur des faits souvent complexes qui ne relèvent pas d'un jugement théorique définitif.

Arbitraire doit être compris au sens où JE dans mon individualité suis le seul arbitre.

On a vu quelle forme de connaissance peu satisfaisante est l'opinion.
A se demander pourquoi nous en avons !
La réponse est fort simple : elles sont indispensables.
Il n'est pas sûr que nous puissions acquérir un savoir à propos de toute chose.
Si certaines choses ne sont pas sujet au savoir alors l'opinion est un pis-aller.
(cf. l 'éloge que fait Aristote)
Si imparfaites soient-elles, elles nous permettent néanmoins d'agir !

b) D'où viennent nos opinions ?

Principales sources que l'opinion invoque sont :
_ MOI : réflexion personnelle + expérience personnelle
_ culture : famille, entourage, école,... (milieu social)

Nos opinions ne dépendent pas entièrement de nous.
Elles dépendent en partie du milieu dans lequel nous avons grandi et vécu.

Les sociologues n'hésitent pas à soutenir une position plus radicale ;
Pour les sociologues, l'opinion est une représentation collective qui s'impose à l'individu sous l'influence de son milieu.
N.B. que vaut ce savoir ?
N.B. problème : qu'advient-il de notre liberté ?

On peut tenter de contester une affirmation aussi radicale.
On peut invoquer une libre capacité à choisir nos opinions :
je confronte deux opinions contraires et je tranche en faveur de l'une ou l'autre.
Tel est mon sentiment.
Dépassons le niveau du sentiment !
Examinons comment je procède réellement.
S'agit-il vraiment d'une confrontation ?
Et comment vais-je départager les arguments ? Par élimination ?
On voit bien que le choix ne relève pas d'un simple calcul du poids de l'argumentation.
Ce qui fait pencher la balance n'est pas une mesure exacte.
Le démagogue le sait bien et il se sert de la rhétorique pour donner plus de poids à ses arguments.
Il n'est pas si sûr que nous choisissions nos opinions à l'aide de la seule rationalité.

D'autre part, il suffit de se rappeler combien d'années nous avons passivement assimilé les croyances et les valeurs de ceux en qui nous avions conscience : les parents.

c) Aveuglement et l'opinion : l'affect, l'urgence, le divertissement

Nous sommes souvent très attachés à nos opinions.
Il nous est désagréable d'être réfuté.
Nous le percevons souvent comme une mise en cause personnelle.
Or, d'une certaine façon, notre opinion, c'est bien nous !!!
En effet, nos opinions sont le reflet de notre univers (parental, social, etc.)
Elles sont le reflet de ce qui constitue notre identité.
Dénigrer nos opinions, cela revient à dénigrer notre monde et ce en quoi nous avons confiance.
C'est une expérience douloureuse !

Ainsi l'opinion n'est pas simplement d'ordre théorique ; elle est chargée d'affectif.

Comment expliquer notre cécité à l'égard de l'opinion ?

_ L'urgence :
modalité existentielle qui nous porte à vivre les choses dans la précipitation

_ Divertissement :
refus de reconnaître la vanité de nos opinions et de l'appareil de décision dont nous a pourvu notre entourage...

d) Comment sortir de l'opinion ? Comment passer de l'opinion au savoir ?

(Fonder nos opinions en raison ¹ choix subjectif)

Il a été établi que les opinions reposent sur un choix subjectif.
Ce choix subjectif porte sur une valeur.
Et ces valeurs ne sont pas choisies rationnellement.
Nous les adoptons plutôt par mimétisme, habitude, tradition...
Certains diront qu'elles nous sont inculquées.

N.B : ce n'est pas la raison qui me permet de trancher
entre la fraternité et la raison d'état économique !
Les uns estiment que la politique doit servir les citoyens.
Les autres que les impératifs économiques sont la garantie du bien être des citoyens.
Il y a donc du point de vue de la raison une part d'indécidable.

Il y a donc au fondement de toute opinion une part d'aléatoire :
quelque chose dans le choix des valeurs ne relève pas de ma seule volonté.

Comment passer de l'opinion au savoir ?
Il faut donner un autre fondement à nos opinions.
Il faut lui rechercher un fondement ailleurs que dans notre subjectivité.
Il faut un fondement qui ne dépende pas de ma personne singulière...
car elle est susceptible de changer ...à tout instant.
Il faut fonder notre opinion en la raison !
Mais comment fonder nos opinions en raison ?

Comment comprendre cette formule : " fonder une pensée en raison ".
Fonder une pensée en raison signifie " conformément à la raison ".
Il s'agit de mettre à l'épreuve la légitimité de notre pensée
i.e. se demander qu'est-ce qui m'autorise à penser comme je pense,
cela implique qu'on examine les fondements (présupposés) de notre pensée.
Toute pensée implique des présupposés.
Elle présuppose parfois des croyances, des opinions, des sciences, etc...
Il faudra faire un tri et ne retenir que les pensées rationnelles.
Il faudra aussi distinguer les fondements nécessaires des fondements contingents,
et ne retenir que les premiers.

On remonte ainsi de fondement nécessaire en fondement nécessaire.
On s'assure que TOUS ces enchaînements sont rationnels
i.e. que chaque fondement est impliqué par tel autre,
ou encore que chaque fondement rend raison du précédent.

Ainsi fonder une pensée en raison, cela consiste à mener un travail de discrimination des fondements et à écarter ceux qui ne sont pas rationnels.
Il se peut qu'il n'y ait plus aucun fondement rationnel pour soutenir une pensée,
dès lors il faudra accepter l'idée qu'elle est erronée.
Une pensée vraie (ou un savoir) c'est une pensée rationnelle.

Problème :
Ne risque-t-on pas de mener une recherche des fondements à l'infini ?
Y a-t-il un fondement qui n'ait pas lui-même besoin d'être fondé et légitimé ?

(cf. L'Allégorie de la caverne)


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Dernière mise à jour : le 06 novembre 2003