La fonction du droit est-elle de faire respecter l'ordre ou d'instaurer la justice ?
A) Le droit comme limitation de la puissance naturelle
- Spinoza Traité politique : ch. 2 § 15.
B) La pérenisation d'un droit requiert sa légitimation
- Hegel : dialectique du maître et de l'esclave (La phénoménologie
de l'esprit)
- Rousseau : Contrat social, Livre I ch.3 (p.44 l.1-3)
C) Le droit s'oppose à la force (Rousseau)
- Rousseau Contrat social, Livre I ch.3 (p.44-45)
A) Il est naturel pour l'homme d'instaurer des lois pour vivre en communauté
- Hobbes T.3 et T.4 p.166
- Spinoza : L'homme est un animal politique (TP, 2,15)
- Locke
Le droit protège les hommes d'eux-mêmes (Hobbes et Machiavel)
B) La coutume ne fait pas Droit (elle perpétue le privilège)
:
- Rousseau : il n'y a qu'un droit collectif transcendant (CS, p.51-52)
- Kant : Doctrine du droit (Russ p.302)
C) L'universalisme n'est-il pas une violence faite aux particularismes ? (Herder)
La revendication individualiste.
A) Il ne saurait y avoir de Droit abstrait et universel légiférant
des situations concrètes
Aristote Ethique à Nicomaque p.265
Les lois peuvent apparaître injustes (illégitimes) à la
raison.
B) Le droit à la désobéissance.
- Rousseau :
- Marx "Il faut dépasser l'horizon du droit bourgeois" J.Russ
T.6 p.373
L'universalisme républicain est un leurre
C) La révolte, un mal plus grand encore que l'injustice des lois ?
- Rousseau : on peut contraindre les hommes à être libres
Contrat social Livre I, ch.7 p.54 : on le forcera d'être libre.
- Kant : Qu'est-ce que les lumières ?
- Tosel Kant révolutionnaire p.82-94
Bibliographie :
Renaut Qu'est-ce que le droit ?
Kervégan Les droits de l'homme
Tosel Kant révolutionnaire
Lefebre et Macherey Hegel et la société
1) L'état de droit n'existe pas dans la nature
Le droit désigne l'ensemble des règles qui régissent
les rapports entre les hommes.
Toute société est, en principe, régie par des règles
d'administration i.e. un droit.
Dès lors quel le droit n'est plus respecté, c'est le règne
de la violence. (ex.: guerre civile)
Lorsque l'ordre juridique cesse, la société se dissout ;
et les hommes retournent à l'état de nature ;
il n'y a plus d'autre loi que la loi du plus fort.
On voit qu'à l'état de nature, il n'y a donc pas de droit.
Le droit est donc une invention humaine et non pas une donnée naturelle.
Mais l'état de droit est pour l'homme une institution quasi naturelle.
Car les hommes vivent normalement toujours dans un cadre institutionnel.
L'existence au sein d'un cadre juridique constitue la norme ;
cela correspond au mode d'existence normal de l'homme.
C'est ce qui fait dire à Aristote que l'homme est un "être
vivant politique".
Autrement dit, il est dans la "nature des chose" que dès
sa naissance, l'homme soit membre d'une cité régie par des lois.
Ce n'est pas le propre de l'homme d'exister à l'état naturel,
c'est-à-dire dans l'isolement qui caractérise les bêtes.
Pourtant, les animaux vivent eux aussi en collectivité avec des règles !
Quelle différence y a-t-il alors entre les animaux et les hommes ?
a) Si l'animal vit en collectivité, l'homme vit en communauté.
Chez les animaux, il y a certes des règles qui régissent la
collectivité ;
ces règles sont l'expression du rapport concret qui existe entre les
membres,
il va donc dépendre des caractéristiques propres à chacun
des membres du groupe.
Et ces règles seront de l'ordre du rapport de force, rivalité,
domination, soumission, etc.
Pour les hommes les lois s'imposent à eux d'en haut, i.e. par l'Etat
;
ce n'est pas la personnalité particulière à chacun d'entre
nous qui détermine la forme de la loi. Les lois sont donc en un sens
indépendantes des personnes concernées.
De même la communauté politique a une existence indépendante
de la somme des individus.
Les individus peuvent mourir ; la communauté ne meurt pas pour autant.
La nation Française a une existence juridique propre, comme si elle
était une Personne.
b) Et cette communauté est régie par un projet.
Ensuite, le projet du groupe est choisi par ses "membres" ;
ce n'est pas la nature qui le fixe.
c) Et surtout, il n'est pas fixe ; il peut évoluer.
Alors que la nature n'évolue quasiment pas ; elle est figée.
Ainsi les règles qui caractérisent les "sociétés"
animales sont figées.
Il y a donc un rupture entre la vie naturelle et la vie instituée par les hommes.
On ne peut pas nier le fait que l'homme soit issu de la nature.
Mais, pour vivre en communauté, l'homme est obligé de contenir
ses impulsions naturelles.
Il est obligé de contrecarrer ses tendances naturelles.
Mais il doit aussi s'interdire parfois l'usage de certaines facultés
naturelles (comme la force).
Il y a des choses que je peux faire (j'en ai la force ou la puissance) ;
mais le droit m'interdit de le faire !
C'est ce que nous enseigne l'éducation pendant notre enfance.
En ce sens, le passage à l'état de droit est caractérisé
par une limitation de la nature.
Si l'état de droit s'effondre alors on en revient à l'état
de nature.
L'état de nature est un état de violence généralisée,
disait Hobbes.
L'homme craint sans cesse pour sa vie puisque l'on est toujours le faible
de quelqu'un.
"L'homme est un loup pour l'homme".
L'homme a donc tout intérêt à vivre sous le règne
du droit ;
il y a moins à perdre en vivant sous les lois qu'à l'état
de nature.
Les lois assurent ma sécurité et la protection de mes biens.
Récapitulatif :
Le droit n'existe que par opposition à la nature.
Tant que le droit est respecté, il protège les hommes de la
violence.
Sitôt que le droit est aboli, on retombe sous le règne de la
force.
Le droit répare les inégalités naturelles en plaçant
les hommes sur un pied d'égalité.
Et il instaure la justice.
La loi protège les faibles mais aussi les forts.
Car les forts finissent toujours pas retomber dans la faiblesse propre à
la vieillesse.
Les brigands eux-mêmes sont protégés de la colère
populaire grâce à la loi qui interdit le "lynchage".
Le droit ne vise donc pas simplement au respect des règles de la société
et au maintien de l'ordre mais vise aussi à instaurer une plus grande
justice.
A) Le droit comme limitation de la puissance naturelle
- Spinoza Traité politique : ch. 2 § 15 et 16.
§15.
" A l'état naturel chacun est son propre maître " :
Les hommes vivent dans l'indépendance les uns à l'égard
des autres.
Ils agissent selon leur désir et sans restriction.
La seule limite qu'ils connaissent, c'est celle de leur puissance (d'agir).
Ils ont autant de droit que de puissance.
Ce droit, ils le tiennent de la nature.
Ainsi les hommes sont-ils libres d'agir à leur guise.
Mais, l'homme demeure " son propre maître aussi longtemps qu'il peut se garder de façon à ne pas subir l'oppression d'un autre ".
Cet état d'indépendance naturelle n'est pas durable.
Tôt ou tard l'homme ne peut plus assurer seul sa conservation.
Face à la multitude des hommes, un individu seul ne peut pas résister.
Les hommes doivent alors renoncer à leur indépendance.
Ils constituent une communauté ;
celle-ci leur assure des droits identiques.
Mais, le droit originaire des individus i.e. le droit naturel se trouve restreint.
Plus la puissance de la collectivité est grande ;
et, plus le droit naturel (puissance) est restreint.
Dès lors, ce n'est plus la puissance de l'individu qui lui confère
un droit sur les choses ;
mais c'est la communauté qui lui accorde.
De même l'individu doit se plier à tout ce que la collectivité
lui commande de faire.
Le droit institué par les hommes semble restreindre la part de liberté
puisque nos actions sont soumises à la loi commune.
Le droit apparaît ainsi davantage comme le règne du devoir.
Pourtant, l'homme trouve une compensation dans le fait que la loi lui assure
ses droits même lorsqu'il est trop faible pour le faire lui-même
(trop jeune, trop vieux, malade, etc).
B) La pérenisation d'un droit requiert sa légitimation
- Hegel : la dialectique du maître et de l'esclave
Hegel dans la Phénoménologie de l'Esprit évoque une
situation fictive qui a pourtant une valeur paradigme puisqu'elle vaut non
seulement pour des situations qui ont pu se produire concrètement mais
aussi parce qu'elle révèlent un moment de l'histoire de l'humanité.
Cette situation fictive est désignée par la dialectique du maître
et de l'esclave.
Cette dialectique évoque une époque de l'humanité où
l'homme ne connaissait pas de meilleur étalon de sa propre valeur que
dans la lutte à mort.
Cet homme qui est encore au plus près de l'humanité affirme
sa valeur dans la distance qu'il est capable d'instaurer avec la nature et
quel meilleur moyen pour celui qui n'a rien que de manifester son mépris
de la vie organique.
C'est la lutte de l'esprit naissant et de la nature.
L'homme manifeste donc sa valeur en montrant qu'il ne craint pas sa mort,
que la vie biologique n'est pas tout pour lui, qu'il n'est pas un animal susceptible
de tout sacrifier pour vivre.
Dans la lutte à mort, le vainqueur est toujours celui qui prêt
à tout perdre !
Au terme du combat, l'adversaire défait est alors sommé par
le vainqueur de choisir entre la mort et la servitude.
Celui qui n'a pas vaincu une première fois son attachement à
la vie i.e. sa dépendance naturelle, ne le fera pas non plus ici. Il
accepte la servitude. Un premier contrat les unit.
Le vaincu devient l'esclave. Et il sert le maître servilement. Il devient
l'outil intelligent du maître. Or le maître tombe progressivement
dans la passivité alors que l'esclave est quant à lui toujours
actif. Enfin, le maître ne peut plus se passer de son esclave et c'est
alors le maître qui tombe sous la dépendance de l'esclave. Conscient
du changement dans les rapports de force, il suffit alors à l'esclave
de se rebeller pour reconquérir sa liberté.
On peut commenter cette dialectique à la lumière de Rousseau
:
" Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître,
s'il ne transforme sa force en droit et l'obéissance en devoir. "
- Rousseau : Contrat social, Livre I ch.3 (éd. GF p.44 l.1-3)
Autrement dit, le problème principal de droit est lié à
sa pérennité.
Un droit qui ne dure qu'aussi longtemps qu'il est soutenu par la force n'est
pas un droit.
Le contrat passé entre le maître et l'esclave cesse une fois
que l'esclave est devenu assez puissant pour s'en affranchir alors ou bien
l'esclave n'en pas la droit, il est dans l'illégalité ou bien
ce n'était pas un vrai contrat !
Comment faire en sorte que le renoncement à l'usage de la force en vue d'un accord ou d'un contrat ne soit pas simplement le fait d'un statut quo provisoire entre les détenteurs de la force. Comment faire pour que le droit soit un droit ?
Le problème se pose de la même manière pour ceux qui
ont passé des contrats iniques.
Comment pourront-ils s'assurer que leur "droit" sera préservé
le jour où ils n'auront plus la force de le conserver ? Il faudra qu'ils
aient fait reconnaître ce droit comme un droit légitime.
C) Le droit s'oppose à la force (Rousseau)
- Rousseau Contrat social, Livre I ch.3 (éd. GF, p.44-45) "Du
droit du plus fort"
Peut-on ériger un droit par la force ?
C'est là ce que prétend le "droit du plus fort".
Ce que le plus fort a une fois érigé comme un droit doit être
respecté.
Si l'on examine ce droit fondé sur la force, on tombe dans des contradictions.
Ce qui laisse entendre que rapprocher les termes de droit et de force, cela
revient à semer la confusion dans la terminologie et l'on comprend
alors plus rien.
"Sitôt que c'est la force qui fait le droit, l'effet change avec
la cause "
Dire que le droit est issu de la force, c'est commettre une inversion.
Normalement, c'est le droit qui établit et règle l'exercice
de la force.
Le droit règle la force.
Or, les partisans du "droit du plus fort" proposent d'inverser les
choses.
Soit. Mais que s'ensuit-il ?
Il suffit d'être assez fort pour instituer un nouveau droit.
Autrement dit, le droit du plus fort est toujours exposé au risque
de voir arriver quelqu'un de plus fort. Et surtout, sans le vouloir, il cautionne
la prise du pouvoir par le nouvel arrivant.
Seconde conséquence :
Ceux qui revendiquent ce "droit du plus fort", le revendiquent forcément
au détriment d'autres personnes, plus faibles. Et en invoquant, ce
"droit" elles attendent de ces personnes qu'elles continuent de
respecter ce droit même après que le détenteur de ce droit
ait perdu leur force. Or si c'est la force qui fait droit, rien n'oblige ces
dernières à respecter ce droit, puisqu'à présent
ce sont elles qui sont les détentrices de la force...
On voit à quelles aberrations conduit le contenu de ce droit du plus
fort.
" Qu'est-ce qu'un droit qui périt quand la force cesse ? "
Ce n'est donc pas la force qui peut établir le droit.
Ou encore on ne peut établir un droit au nom de la force.
Car s'il existe un droit par force celui-ci doit disparaître sitôt
que la force n'est plus là.
Et le propre du droit ce n'est pas d'être transformé chaque fois
qu'une force nouvelle se présente.
Implicitement, ce qui revendiquent le "droit du plus fort" le reconnaissent.
En effet, ils attendent des autres qu'ils respectent de leur plein gré
leur droit une fois qu'ils n'auront plus la force de l'assurer.
Autrement dit, ils attendent que le droit soit respecté pour lui-même
par devoir.
La véritable raison pour laquelle il faut obéir au droit ce
n'est pas par crainte de la force mais parce que c'est notre devoir.
Il y a dans le droit quelque chose qui me force à obéir : c'est
un droit.
Et si c'est un droit alors j'ai le devoir de le respecter.
Le droit m'inspire le respect.
Cela suppose aussi que j'ai reconnu ce droit comme un droit i.e. que je l'accepte.
Dès lors si le droit obtient de moi que j'obéisse et que je
le respecte, il n'est plus alors nécessaire de recourir à la
force.
De sorte que le droit véritable n'a pas besoin d'invoquer la force.
" Obéissez aux puissances. Si cela veut dire, cédez à
la force, le precepte est bon, mais superflu, je réponds qu'il ne sera
jamais violé. "
Il est inutile d'exiger l'obéissance au maître si celle-ci est
fondée sur la force car elle leur est d'emblée acquise. C'est
un principe physique.
J'obtiens quelque chose par la force, je n'ai pas besoin en outre de demander
l'assentiment des personnes sur lesquelles s'exerce cette force.
Le droit du plus fort a invoqué souvent le précepte de St Thomas
:
" Tout pouvoir vient de Dieu "
C'est le signe par lequel Dieu désignerait son élu.
Rousseau répond par le bon sens.
" suis-je en conscience obligé de la donner ?"
Ma conscience m'impose-t-elle d'obéir à la force ...lorsqu'elle
me fait du tort ?
Non. A l'inverse, on se doute que ma conscience m'impose d'obéir au
droit légitime.
J'ai le devoir de respecter le droit si j'ai reconnu qu'il est juste.
Ma conscience morale l'exige !!!
Et c'est pour cela que les forts peuvent changer sans que le droit ne bouge.
Conclusion à apprendre par coeur :
" Convenons donc que force ne fait pas droit, et qu'on n'est obligé
d'obéir qu'aux puissances légitimes. "
D'où viennent les lois ?
Sont-elles forgées tant bien que mal par les hommes ?
Ont-elles une origine divine ? ou transcendante i.e. supra-humaine?
La question de l'origine des lois n'est pas sans importance.
Statuer sur cette question, c'est déterminer la norme de la loi.
Qu'est-ce qui fait qu'une loi est une loi ?
A quelle condition tel texte peut-il prétendre au statut de loi ?
Deux thèses s'affrontent :
1) théorie du droit positif
2) théorie du droit naturel
1) théorie du droit positif
On a vu que l'institution d'un droit et des lois est naturel chez l'homme.
Il n'est pas de communauté humaine qui vive sans lois.
Quand nous naissons, nous trouvons une société déjà
constituée avec des lois établies.
Ces lois peuvent être réformées puisqu'elles sont fondées
sur l'approbation de la communauté i.e. une volonté commune.
Elles ne sont donc pas figées pour l'éternité mais susceptible
d'évoluer.
Et, c'est là quelque chose d'important puisque la société
elle-même ne cesse d'évoluer tant d'un point de vue que du point
de vue des mentalités.
La loi est donc en grande partie le reflet de la société.
On ne peut pas vraiment comprendre les lois hors du contexte dans lequel elles
s'exercent.
Les nouvelles doivent être soumises à l'approbation de la communauté
(ou de ses représentants) qui auront également pour tâche
de s'assurer que ces nouvelles lois n'entrent pas en contradiction avec des
lois antérieures.
Une fois enregistrée, l'Etat veillera à l'application de cette
loi.
Toute infraction est une illégalité.
Dès lors, le respect de la loi tient moins au contenu de la loi qu'à
l'autorité qui l'a instituée.
S'opposer à une loi voulue par la communauté, c'est s'opposer
à la communauté entière.
C'est commettre une infraction.
Le droit reflète l'ordre commun à tous les hommes.
Le droit procède en principe de la volonté de tous.
Il est en effet le fruit d'une décision commune.
Pour Hobbes, les hommes ont dû par la force des choses quitter l'état
de nature et de violence dans lequel ils vivaient. Il qualifie cet état
de "guerre de chacun contre tous" c'est-à-dire où
"chacun est l'ennemi de chacun". "La vie de l'homme est alors
solitaire, besogneuse, pénible, quasi animale, et brève".
C'est donc parce que cette situation est dangereuse et précaire que
les hommes s'associent.
Ils renoncent à leur liberté pour se soumettre à une
loi commune.
C'est une nécessité naturelle qui pousse l'homme dans la voie
de l'élaboration d'une communauté.
Pour Locke, le contrat n'est que l'institutionalisation des rapports sociaux
privés existants dès l'état de nature, et il doit seulement
garantir la liberté naturelle, la vie et la propriété.
L'Etat est institué pour servir ses concitoyens. Son rôle et
son pouvoir n'est là que pour assurer leurs intérêts et
rien de plus.
Il faut limiter le pouvoir de l'état pour éviter les abus.
Pour Hobbes, les hommes sortent de l'état de nature pour "vivre
sous un pouvoir commun qui les tienne en respect". Pour créer
la paix civile, chacun transmet son droit naturel (sa liberté naturelle)
et se soumet volontairement à l'autorité d'un homme ou d'une
assemblée, à condition que tous les autres en fassent autant.
La clause fondamentale est la soumission de tous au souverain.
Le souverain détient alors un pouvoir absolu et il devient la source
du droit et de la loi.
2) La théorie du droit naturel
C'est un faux ami : ce n'est pas un droit fournit par la nature.
Pour la théorie du droit naturel, les lois ne sont pas simplement relatives
à la tradition, à l'histoire ou la culture d'une société.
Il y a des lois qui vallent indépendamment de toutes considérations
contingentes.
Ces lois ont un caractère universel :
Elles valent pour tout homme, pour toute société quelque soient
leur culture.
Car elles visent l'Homme, l'essence commune des hommes : l'humanité.
C'est sur cette base que l'égalité devient possible.
Il n'y a pas d'égalité naturelle. La nature produit des hommes
inégaux.
Mais par delà ces inégalités, il y a en chaque homme
une dimension infiniment précieuse et qui mérite le respect
: l'humanité.
L'humanité est comme la promesse d'une ère nouvelle dans la
nature : le règne du droit contre la force brutale, de la civilisation
sur la barabarie,...
Les lois sont universelles en tant qu'elle s'appliquent à la partie
commune à tout homme.
Mais il faut les découvrir dans le coeur des hommes, la conscience
ou dans la raison.
Ces lois qui reconnaissent les hommes comme égaux et qui entendent
les maintenir sur un pied d'égalité, ne peuvent pas ne pas être
désiré par tout homme de bon sens (éduqué).
En ce sens ce sont des lois véritablement justes et bonnes.
Contre la tradition, la coutume, la loi "injuste" du tyran ou du
monarque qui maintient les privilèges, on invoquera donc un droit supérieur,
un droit suprême qui n'est pas tiré du passé mais qui
est déduit de la nature humaine, de l'essence de l'homme.
Il y a inscrits dans la nature de l'homme un certain nombre de droits imprescriptibles.
On ne peut lui ôter ces droits sans commettre une injustice.
Evidemment certains ont cherché à défendre la théorie
d'une inégalité entre les hommes i.e. d'une hiérarchisation
par la naissance, l'intelligence, etc.
Ceux-là refusent de faire de l'égalité le fondement du
droit.
Le droit naturel repose sur l'idée d'un droit fondé sur des
lois absolument justes.
Au nom de cette égalité, on combattra les lois "injustes".
Et, il s'agit de favoriser leur apparition dans l'ensemble des nations.
(Mais qu'est-ce que la justice ? L'égalité ? L'équité
?)
Elles n'ont pas forcément une existence concrète dans un pays
:
La déclaration universelle des droits de l'homme (ex. la Chine).
Cette déclaration n'est pas reconnue par tous les états et pourtant,
elle prétend valoir pour tout homme.
Il faut distinguer les lois qui sont en application des lois qui sont universelles.
Même quand on souhaite instaurer des lois concrètes aussi parfaites
que ces lois universelles, il est difficile d'éviter les imperfections.
Depuis la Révolution Française, l'objectif de notre Etat est
d'instaurer des lois républicaines dont l'idéal est universaliste.
Pourtant, dans les faits, certaines lois peuvent encore apparaître comme
illégitimes, injustes.
Il faut distinguer ce qui est légal de ce qui est légitime.
Ce qui est légal est conforme à la loi en application.
Ce qui est légitime est juste du point de vue d'une exigence morale.
_ Exemple : telle femme qui a volé de la viande pour nourrir ces enfants
a commis un acte illégal mais légitime.
_ Autre exemple : les hommes qui ont obéi au régime nazi étaient
dans la légalité mais cette obéissance était illégitime.
C'est au nom d'un droit supérieur à celui des Etats que l'on
a jugé les principaux représentants du nazisme.
_ Autre exemple : Dans la tragédie de Sophocle, Antigone désobéit
à Créon, l'empereur qui est aussi son oncle en faisant enterrer
son frêre car c'est un décrêt divin. Antigone obéit
ainsi à une loi supérieure à celle de l'empereur.
Si nous sommes en mesure de constater que les lois en application sont imparfaites,
c'est parce que nous avons plus ou moins confusément conscience de
ce qu'elles devraient être.
Notre conscience ce que ces lois issues de la coutume ont d'injuste.
C'est donc l'idée de justice qui nous guide et nous indique comment
réformer ces lois.
L'objectif est alors de réformer les lois pour les rendre meilleures
et plus justes.
Cf. Carl Schmit
A) Il est naturel pour l'homme d'instaurer des lois pour vivre en communauté
- Spinoza : L'homme est un animal politique (Traité Politique,
2,15)
Le droit protège les hommes d'eux-mêmes (Hobbes et Machiavel)
B) La coutume ne fait pas Droit (elle perpétue le privilège)
:
- Rousseau : il n'y a qu'un droit collectif transcendant (Contrat Social,
GF p.51-52)
Le contrat social est le fondement du droit.
Il n'y a pas de droit concret sans contractant qui acceptent de se soumettre
aux lois.
Le contrat stipule que l'Etat m'accorde des droits et que j'obéis à
mes devoirs.
Il y a un rapport de réciprocité (donnant-donnant).
Qu'advient-il si le rapport n'est plus réciproque ? i.e. s'il n'y a
pas égalité ?
Dès lors, il y a injustice.
Le contrat se trouve rompu.
Les contractants ne sont plus tenus de respecter leurs engagements.
Ils n'ont plus de devoir à l'égard de l'Etat.
Ils sont libres de retourner à leur ancienne forme de vie et à
leur droit naturel.
D'ailleurs, ils n'ont plus d'autres devoirs que ceux que la nature leur prescrit,
à savoir la préservation d'eux-mêmes.
Question : comment s'assurer que le contrat soit juste ?
La solution : l'homme contracte avec lui-même car il est à la
fois citoyen et Etat.
Mais il faut que tous les citoyens sont sur un pied d'égalités
i.e. qu'ils aient les mêmes droits.
Le contrat est passé avec la communauté, abstraite des citoyens,
la volonté générale.
C) Il ne saurait y avoir de Droit abstrait et universel légiférant
des situations concrètes.
- Aristote Ethique à Nicomaque éd. Vrin 265 sq.
- La revendication individualiste (Herder)
Quelle critique peut-on faire du droit naturel ?
On peut contester le principe du droit naturel qui est de déduire le(s)
droit(s) de l'idée de l'homme.
On sait que le droit est destiné à des fins pratiques ; il sera
mis en usage dans la société.
On peut donc attendre de celui-ci qu'il soit adapté aux hommes.
Or ces hommes-là ne sont pas des idées, des essences mais des
singularités avec leur particularismes.
Dans ces conditions, n'est-il pas illusoire voir dangereux d'apporter à
des sociétés qui ne sont pas encore prêtes un droit (système
juridique) que l'occident a plusieurs siècles à élaborer.
Ensuite, qu'est-ce que cette idée de l'homme ?
Y a-t-il vraiment une essence de l'homme ?
Dans les Mots et les Choses (p.321 et sq), Foucault remet en cause
l'idée d'une nature humaine au sens d'une essence. Au contraire, si
l'homme est inconnaissable, il n'est plus possible d'en produire une définition.
Et l'histoire elle-même ne permet pas de dégager un sens commun
de l'homme ; au contraire, la façon dont l'homme a été
pensé est caractèrisé par des ruptures. On passe d'épistémé
en épistémé.
Dans ces conditions, comment pourrait-on encore déduire le droit d'une illusoire essence de l'homme ?
La réponse de Kant dans ses Réflexions sur l'éducatiuon
p.73 est qu'il n'y a pas et qu'il ne saurait y avoir à proprement parler
de " nature humaine ". c'est-à-dire d'essence conceptuelle
de l'homme. C'est la raison pour laquelle " l'homme ne peut devenir homme
que par l'éducation ". L'homme a à devenir Homme. Il est
un devenir et une destination plutôt qu'un être.
C'est l'idée que reprend Sartre lorsqu'il que l'existence précède
l'essence.
L'homme est un devenir ; c'est de cette possibilité que se déduit
le droit naturel.
Le droit a pour tâche de favoriser la réalisation de l'homme,
au lieu de l'entraver à demeurer ce qu'il est. Ce serait l'enfermer
dans l'être alors qu'il voué au devenir.
A) Les lois peuvent apparaître injustes (illégitimes) à la raison.
Si, comme le pensent les théoriciens du droit naturel, le droit a pour fonction naturelle et légitime de défendre les hommes alors dans ce cas, toute loi injuste doit être réformée. Si la réforme de la loi s'avérait impossible comme c'est le cas lorsque le régime politique vise à défendre l'intérêt d'un seul ou de quelques uns - au lieu de défendre les intérêts de la communauté - alors plus rien n'obligerait les citoyens à obéir. Ainsi pour Locke, l'Etat qui ne défend pas ma liberté, qui n'assure pas ma sécurité, qui porte atteinte à mon honneur est un Etat qui ne respecte pas le "contrat social" c'est-à-dire ce contrat que j'ai passé avec une autorité (ex.: un prince), lui cédant par là un peu de ma liberté en contrepartie de tous ces biens. S'il ne respecte pas le contrat qui "m'oblige" moralement à son égard, je ne suis plus tenu à rien. Je me retrouve "aussi libre qu'auparvant" dirait Rousseau.
B) Le droit à la désobéissance ; le devoir de désobéissance
au nom d'une instance supérieure.
Nous avons envisagé jusqu'ici la possibilité de se révolter
contre des lois injustes. Mais, il faut aller plus loin et se demander si
en présence de certaines lois injustes, il n'y aurait pas un devoir
de révolte. Mais au nom de quelle instance aurais-je le devoir de me
révolter ? Cette instance qui me commande de me révolter contre
les lois de mon pays ne peuvent évidemment qu'être des lois suprêmes
: des lois universelles telles que me les montrent ma raison. C'est donc un
droit légitime dont la valeur est supérieure au droit légal
qui exige de moi la révolte. La révolte n'est donc plus seulment
possibilité mais devoir ! C'est ce devoir qui exigeait des fonctionnaires
allemands qu'ils désobéissent au régime nazi.
C) La révolte, un mal plus grand encore que l'injustice des lois ?
Certes se révolter contre les lois est grave. Au yeux de Kant il n'est
envisageable qu'en tout dernier recours car la désobéissance
à la loi est immorale. Socrate choisit d'obéir jusqu'au bout
à la loi et accepte une sentence injuste pour ne pas violer des lois
qu'il juge sacrées même si elles sont imparfaites. Car sans les
lois la société retournerait à l'état de violence
animale, au simple régime de la loi du plus fort, ce qui est moralement
inacceptable.
Par conséquent, s'il faut se révolter contre une loi injuste,
c'est seulement à condition de ne pas pouvoir y obéir plus longtemps
sans commettre une injustice plus grande encore en continuant d'obéir.
Ainsi obéir aux nazis est une injustice, une barbarie qui rend préférable
la remise en cause des lois. Autrement dit, pour reprendre Spinoza, ces lois
ou ces institutions politiques qui rendent les hommes mauvais doivent être
combattues.
- Rousseau : on peut contraindre les hommes à être libres
Du Contrat social, Livre I, ch.7 p.54 : on le forcera d'être
libre.
- Kant : Qu'est-ce que les lumières ?
- Tosel : Kant révolutionnaire p.82-94
Dernière date de mise à jour : le 22/01/04